Depuis l’explosion virale de “Beautiful Things”, Benson Boone est devenu l’un des visages – et moustaches – les plus reconnaissables de la pop actuelle. À seulement 22 ans, le crooner gymnaste est partout : sur TikTok, dans les charts, à la télé, sur scène… et parfois en lévitation au-dessus de son piano, enchaînant les saltos arrière comme d’autres les refrains. Un mélange improbable entre Freddie Mercury et un cheerleader en combi pailletée, aussi prompt à se moquer de lui-même qu’à brailler dans les aigus. Avec American Heart, deuxième album écrit en à peine 17 jours, Boone espère transformer le buzz en durabilité.
Une belle voix dans un bel emballage… vide ?
Le disque, censé rendre hommage à l’Amérique, à la famille et aux premiers chagrins d’amour, ressemble pourtant à une carte postale clinquante : bien produite, joliment emballée, mais trop générique pour marquer. Boone a la voix, la gueule et l’énergie… mais dès qu’on appuie sur play, la magie retombe. Reste un album à l’image de son créateur : spectaculaire à l’extérieur, mais désespérément tiède à l’intérieur.
Un cœur (trop) américain
Dès l’ouverture avec “Sorry I’m Here For Someone Else”, Boone promet un élan pop rock catchy à la The Killers ou Brandon Flowers. Structure éclatée, production musclée, montée demi-tempo : tout y est. Et ça fonctionne. Malheureusement, la suite s’essouffle. “Mr. Electric Blue” tente un pastiche d’Electric Light Orchestra à la sauce TikTok, avec un personnage central flou entre Ziggy Stardust, Mr. Roboto et le papa de Boone lui-même. Ambitieux mais foutraque. “Wanted Man”, de son côté, veut jouer les séducteurs glam (“You rode in like a rock n’roll queen“) mais finit dans un cosplay rock sans sueur ni danger.
Boone cite Springsteen, Mercury ou Elton John comme influences, mais livre une version aseptisée de leur flamboyance, un peu comme si on avait demandé à Ed Sheeran de chanter du Queen. Même les moments les plus personnels – comme “Young American Heart”, qui revient sur un accident de voiture de jeunesse, ou “Momma Song”, ballade orchestrale dédiée à sa mère – peinent à convaincre tant ils sont noyés sous les violons, les clichés et une écriture plus démonstrative que touchante (“Does that mean you’re getting older / and older, and older?“… vraiment ?).
Et quand les textes osent un brin d’absurde – le désormais fameux “moonbeam ice cream” de “Mystical Magical” – on hésite entre le sourire complice et le cringe non dissimulé. Boone flirte souvent avec le ridicule, parfois volontairement, parfois à ses dépens.
Entre parade TikTok et réel potentiel
Ce qui sauve American Heart du naufrage, c’est la voix. Boone chante fort, avec une amplitude vocale qui évoque un improbable croisement entre Brendon Urie, Sam Smith et Freddie Mercury. Il peut moduler, s’envoler, séduire. Et quand les compositions s’alignent sur cette puissance – comme sur “I Wanna Be The One You Call”, véritable climax pop rock avec son crescendo, son key change final et ses chœurs haletants, ou sur le refrain irrésistible de “Mystical Magical” – le résultat est franchement grisant. On comprend pourquoi les stades se remplissent.
Mais ces instants de grâce ne suffisent pas à masquer le reste : un songwriting trop lisse, des arrangements parfois cheap, et des lignes qui frôlent l’accident (“I just need your number… if you have a phone“). Boone donne tout, sans filtre ni finesse. Résultat : des chansons qui hurlent leur sincérité mais peinent à convaincre. Beaucoup de bruit, peu de poids.
Le cœur y est, la substance beaucoup moins
American Heart est une tentative honnête d’un jeune artiste en pleine construction. Il a la voix, la scène, l’autodérision – et un public déjà conquis. Mais tant qu’il ne s’entourera pas de plumes capables de canaliser son énergie vers des chansons à la hauteur de son talent vocal, Boone restera ce funambule pop dont les saltos impressionnent, mais ne laissent aucune trace. À force de vouloir briller, il en oublie parfois de toucher.
Il a le temps pour s’affirmer. Mais s’il veut durer, il va falloir plus qu’un costume à paillettes et des acrobaties. Il va falloir des chansons. Les vraies. Celles qui font battre un cœur.
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 20/06/2025
Site web : www.bensonboone.com
Notre sélection
- Sorry I’m Here For Someone Else
- Mystical Magical
- I Wanna Be The One You Call
Note RUL
2,5/5