
Connus pour leurs hits folk, The Lumineers nous propose pourtant un show dans la toute-sauf-intimiste Adidas Arena. Forts de leur 21 millions d’auditeurs mensuels, les Américains ne peuvent en effet être cantonnés au statut de “one hit wonder”. Ce Automatic Tour est l’occasion de le démontrer.
Michael Marcagi
La salle est encore largement clairsemée quand MICHAEL MARCAGI se présente. Accompagné de quatre musiciens, le chanteur-guitariste nous avait fait bonne impression sur les extraits entrevus en amont du concert. On retrouve une vraie proximité stylistique avec la tête d’affiche, couplée à une tessiture le rapprochant encore davantage de Passenger. L’histoire est belle : fan de la première heure, Marcagi avait acheté le premier album The Lumineers (2012) au lycée. Le chanteur Wesley Schultz est ensuite passé du statut de muse à celui de collaborateur. Ce dernier a en effet co-écrit avec lui le morceau “Good Enough” (dont les “wouhou” du début nous avaient mis la puce à l’oreille).
Malheureusement ce soir, le set ne décolle jamais vraiment. On peut notamment déplorer que l’imposante avant-scène crée un sentiment de distance. La réalisation, cantonnée à des plans larges, n’aide pas à recréer l’intimité attendue. En dépit de ces conditions peu évidentes, quelques flashs mettent en valeur sa voix crunchy, à la faveur d’envolées apportant du tonus. On appréciera également la reprise d’Olivia Rodrigo, “Déjà Vu”, ou encore l’apport ponctuel d’une mandoline. De quoi nous donner envie d’en voir plus, dans une salle aux dimensions plus humaines
The Lumineers
La salle est désormais bien remplie au moment où les frappes martiales de Jeremiah Fraites réveillent l’audience. Les suiveurs ont identifié le récent (et pour le coup, mal nommé) morceau du dernier album, “Same Old Song”. Un excellent choix d’ouverture, qui ouvrait déjà la dernière livraison de THE LUMINEERS, Automatic (2025). Alors qu’on aurait pu craindre le même souci de distance que pour la première partie, Wesley Schultz prend tout de suite possession de l’avant scène dès le second morceau, “Flowers In Your Hair”.
Son comparse batteur n’est heureusement pas condamné à rester en retrait en fond de scène. Il n’aura de cesse ce soir de naviguer dans chaque recoin de l’espace à sa disposition. A la batterie mais aussi à la guitare ou encore au piano. Car contrairement à l’image un peu roots qu’on peut se faire du groupe, on retrouve à nouveau un imposant contingent de musiciens. Tous multi-instrumentalistes, ils échangent régulièrement leurs positions avec une complicité éclatante.
On retrouve également avec plaisir la première partie Michael Marcagi sur le titre “Charlie Boy”. La conjugaison des deux timbres amène ce son vers des sommets. L’arrangement subtil des arpèges de guitare et du violon de Neyla Pekarek fait de cette collaboration un très beau moment de cordes et de timbres.
Est-ce que tu entends “Ho Hey” ?
Si sur de précédentes tournées, nous avions pu avoir la surprise de retrouver le tube “Ho Hey” très tôt dans le set, ce ne sera pas le cas ce soir. Pas de “hey ho” donc ? Un gentleman sait attendre. C’est d’autant moins une tragédie que le dernier disque regorge de très bons titres. Le point culminant est certainement atteint sur le passage piano-voix de “Automatic”, d’une beauté folle.
C’est d’ailleurs une constante tout au long du set de 28 chansons (!). On ne cesse jamais de s’extasier devant le grain assez exceptionnel du chanteur. Conjuguant l’élégance de son costume rouge avec d’audacieuses nattes, il incarne un charisme discret frappé du sceau de la classe. Tout semble naturel, à l’image des notes extrêmement difficiles de “Slow It Down”, passées sans difficultés.
Emotion automatique
Schultz nous apprend que ce concert est particulièrement spécial, puisqu’il s’agit de leur 1 000ème show. Visiblement touché de voir que cette prestation prend place dans une salle encore plus grande que lors de leur dernière venue parisienne, il remercie avec émotion les spectateurs pour leur fidélité.
Ces derniers ne connaissent pas toutes les paroles par cœur, mais ne se font jamais prier pour battre la mesure, notamment sur “Angela”. Le morceau suivant, “A.M RADIO” personnifie bien la performance du jour. Débuté très calmement, on commence à la lueur des les flashs de smartphone pour finir sur un rythme plus soutenu, à taper dans nos mains.
Seul bémol, le fait que la setlist soit un peu trop aléatoire. Non pas que les morceaux choisis ne soient pas de qualité. Plutôt, qu’ils ne capitalisent pas sur l’énergie. A l’image de “Ho Hey” ou “Big Parade” qui font se lever les gradins, leurs successeurs retombent sur une ouverture lente (“Dead Sea”, “Reprise”), cassant l’élan.
Un finish mémorable
Malgré cette énergie en dent de scie, la finish est savoureux. Impossible de bouder le plaisir de (re)découvrir l’irrésistible “Cleopatra”, toujours aussi tubesque. On prend également toute la mesure des variations de “Sleep On The Floor” ou encore de la légèreté de “Ophelia”. La fraîcheur du premier album est également intacte. On aurait adoré retrouver “Gale Song” comme en Allemagne, mais “Stubborn Love” et “Big Parade” permettent un grand moment de communion.
Le premier nommé donne d’ailleurs lieu à un moment particulièrement réjouissant. Chaque membre du groupe est présenté en interprétant un couplet, encouragé par une foule enthousiaste, ravie de ce joyeux grain de folie. Mention spéciale pour le claviériste qui nous a régalé toute la soirée par son énergie démonstrative, et termine même par jouer de la guitare dans toute la fosse et dans les gradins.
Pour son 1000e show, The Lumineers a offert un concert à son image : élégant, sincère et généreux. Un set dense, un public conquis, et surtout une capacité intacte à faire vibrer les cœurs. Pas besoin d’être un fan hardcore pour se laisser emporter, il suffit d’écouter. Puis de laisser le charme opérer… automatiquement.