Pour clôturer la tournée mondiale célébrant les vingt ans de son cultissime Hopes And Fears, Keane s’invite à l’Olympia le temps de deux soirées à guichets complets. Un sublime concert à la fois nostalgique et hors du temps, rassemblant familles et générations.
The Sherlocks
La soirée commence par THE SHERLOCKS, qui s’empare de la scène dès 20h. Le quatuor s’inscrit parfaitement dans la mouvance indie rock britannique, au point où certaines inflexions de voix et l’ambiance proposée par une chanson comme “Live For The Moment” rappellent les débuts d’Arctic Monkeys. L’ouverture, “Falling”, pourrait quant à elle figurer sur un EP d’Airways. Se dégage également de la prestation une légère impression de boys band, avec les quatre vestes noires quasi-identiques et les coupes évoquant les années 2010. Plus le set avance, plus les morceaux ont du relief; l’avant-dernière, “City Lights”, nous offre une excellente partie de batterie et des variations d’intensité qui maintiennent l’attention du public.
Keane dansant
Tom Chaplin, chanteur et meneur charismatique du quatuor, l’a rappelé à plusieurs reprises au cours de la soirée : un concert de KEANE est un concert où l’on danse. Et loin de se concentrer uniquement sur les plus belles ballades du groupe, la setlist, qui pioche dans presque tous leurs albums, offre plusieurs occasions pour se déhancher. “The Way I Feel” (issue de Cause And Effect, 2019), “Spiralling” (Perfect Symmetry, 2008), “Is It Any Wonder?” et “Crystal Ball” (Under The Iron Sea, 2006) rappellent que Keane, ce ne sont pas que des mélodies de piano larmoyantes, ce sont aussi des influences synthpop et des refrains entraînants. Sur “Spiralling”, Jesse Quin lâche même sa basse pour s’autoriser quelques aller-retours funky à la guitare (la seule qu’on verra de la soirée). Cette absence de guitare, rare même chez les groupes les plus pop de la pop rock, est largement compensée par des textures de clavier variées. L’omniprésence de celui-ci était attendue, tant les morceaux de Keane dépendent des inspirations mélodiques de Tim Rice-Oxley, pianiste principal de la formation.
L’aisance naturelle de Tom Chaplin, à la fois dans son jeu de scène et dans ses interactions avec l’auditoire, alimente l’ambiance détendue et familiale qui se dégage du concert. Entre remerciements et plaisanteries, il parvient même à nous toucher lorsqu’il évoque le chemin parcouru depuis la sortie de Hopes And Fears, honorant à la fois le premier disque du groupe et la carrière qui l’a suivi.
Keane introspectif
Au milieu du set, Keane nous dévoile une autre facette de sa personnalité musicale, moins connue par le grand public et sans doute surprenante pour celles et ceux qui ont acheté leur billet en connaissant seulement “Somewhere Only We Know”. Au cours de leur carrière, les quatre Britanniques ont expérimenté avec différents styles de composition, les menant à l’écriture de certains morceaux moins directs dans leur tentative d’émouvoir, plus progressifs, et plus intimes. Des chansons comme “On A Day Like Today”, “A Bad Dream” ou “Untitled 1” voient les musiciens se rapprocher sur scène, y compris Tom Chaplin, qui met son audience de côté l’espace de quelques minutes pour se plonger dans une communication plus personnelle avec ses trois compagnons de scène. Des instants émouvants, accompagnés d’une performance musicale délaissant les refrains catchy au profit d’envolées libres assorties de chœurs, d’effets d’écho sur les voix, de sections instrumentales à l’intensité grimpante. Une fois encore, Keane démontre sa faculté à mélanger les ambiances et les styles, et, à la façon de Coldplay, s’extirpe des stéréotypes de groupe pop rock commercial qui pourraient lui être rattachés.
Keane nostalgique
Keane a réussi un pari qui ne semblait pas gagné d’avance : célébrer à leur juste valeur les douze morceaux de Hopes And Fears sans apparaître comme un groupe du passé, réduit au succès d’un seul album (et qui plus est, son premier). Néanmoins, il est impossible de passer à côté des éléments qui ont propulsé ce disque à un rang historique, et qui ont formé l’identité musicale principale de Keane dans l’imaginaire collectif. Des power ballades portées par un piano simple mais ultra mélodique, des couplets tout en retenue pour mieux faire résonner l’élan passionnel qui se dégage de tous leurs refrains. Et puis, bien sûr, la douce puissance de la voix de Tom Chaplin, dont les performances live continuent de nous impressionner tant le résultat mêle à la perfection maîtrise technique et transmission émotionnelle. Une magie intergénérationnelle s’opère sur les merveilles de Hopes And Fears : “Can’t Stop Now”, “Bend & Break”, “She Has No Time”, “This Is The Last Time”, “Everybody’s Changing”, “Bedshaped”, “We Might As Well Be Strangers”, et, bien sûr, la pièce maîtresse, “Somewhere Only We Know”.
Accordons-nous justement quelques lignes sur cette dernière. Keane fait partie de ces groupes dont le répertoire contient plus d’une chanson que l’assemblée peut scander en entier sans la moindre aide du chanteur. Chaque micro tendu de Tom Chaplin obtient une réponse immédiate, et celui-ci profite de la moindre occasion pour nous faire chanter. Mais “Somewhere Only We Know” dépasse tous les records de participation de la salle. Parents comme enfants, anciens et nouveaux fans reprennent le célébrissime air du titre à presque 1.5 milliard d’écoutes sur Spotify. Les plus émus dans la salle sont parfois les plus âgés, et certains yeux embués trahissent leur nostalgie. “Somewhere Only We Know” a beau avoir vingt ans, elle est intemporelle.
“Oh simple thing, where have you gone?“. À un concert de Keane, visiblement. Keane, c’est une puissance tranquille. Un groupe qui a construit sa notoriété grâce à des chansons gorgées d’émotions, mais conservant toujours une simplicité rafraîchissante, ne tombant jamais dans l’écœurement ou le dramatisme. En attendant sa prochaine tournée, on attend la réédition de Hopes And Fears prévue le 10 mai, qui promet classiques remasterisés, B-sides, démos et rarities.