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THROATRUINER FEST 2015 @ Glazart (14/05/15)

Throatruiner Records, c’est ce label mené par la poigne de Mathias Jungbluth depuis cinq ans déjà. Responsable des sorties de bien des meilleurs albums de hardcore de ces dernières années (Birds In Row, As We Draw, Calvaiire), quoi de mieux qu’un mini festival de trois dates pour fêter dignement cette demie décennie à s’occuper brillamment de nous purger de nos mauvaises pensées ?

Première des trois à Paris, à Glazart évidemment, l’affiche propose ce soir pas moins de huit groupes et ça commence très fort avec CALVAIIRE. Relativement rare sur scène, la formation propose un line up de rêve pourtant avec notamment Mathias Jungbluth au chant, Quentin Sauvé à la guitare et Timy (Birds In Row) à la batterie. Le set est hypra énergique et la prestation de Mathias au chant est un véritable exutoire pour lui : on le sent avide d’évacuer tout le stress que l’organisation de ces trois dates peut générer. Malheureusement, notre arrivée un peu tardive nous empêchera de profiter de l’intégralité du set de Calvaiire.

Les changements de scène seront millimétrés ce soir de manière à ce que la soirée ne se termine pas trop tard dans la nuit et l’orga est vraiment au poil pour respecter le timing serré qu’impose une affiche à huit groupes. Le temps de discuter avec l’adorable Quentin Sauvé au très attrayant stand de merch que THE RODEO IDIOT ENGINE est déjà en piste. Le groupe du sud de la France a sorti quelques uns des meilleurs albums de hardcore de ces dernières années et sa prestation scénique fut clairement à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un tel combo. Des compositions frénétiques, un rythme effréné et surtout un jeu de lumière hallucinant pour un groupe de cette envergure. Comme quoi, les bonnes idées ne viennent pas en fonction des moyens mis. En une demie heure, The Rodeo Idiot Engine aura mis d’accord le public relativement nombreux déjà présent à Glazart pour cette heure. Malgré une voix sous mixée, la bande aura vraiment offert une prestation d’une intensité folle avec énormément d’émotion.

La barre est donc déjà très haute et il n’est même pas 18h ! C’est pour cela sûrement que la prestation de COMITY sera moins enthousiasmante. Si son hardcore métallisé est excellemment maîtrisé (la légende selon laquelle le punk hardcore réunirait des mauvais musiciens prend un coup ce soir tant la musicalité développée par chacun des groupes est folle), on sent une audience moins sensible face à Comity. On prendra tout de même notre petite claque sur la dernière chanson du set, visiblement dernière composition en date durant laquelle les musiciens laissent libre court à leur imagination et à leur créativité, proposant une chanson tout en progression et en nuance. L’art de finir sur une bonne note.

DEATH ENGINE héritera du moins bon son de la soirée malheureusement. Une voix quasi inaudible et un ensemble bien trop brouillon malgré l’apparente bonne volonté mise par les musiciens à l’ouvrage. Pourtant, assez fervent de l’album “Mud”, la sensibilité des compositions sur scène ne se retrouve pas sur scène. Ce souci de son y est sûrement pour grand chose, ce qui rend cette prestation assez frustrante car l’on décèle le potentiel du groupe assez immédiatement pourtant. Sa capacité à développer des atmosphères dantesques avec ses guitares simplement est suffisamment géniale pour être notée. Plus gros regret de la soirée, la prestation de Death Engine aurait surement été parmi les meilleures avec un meilleur son. C’est également l’inconvénient d’une telle affiche. Noter ce petit couac nous permet surtout de saluer l’organisation du festival car, dans l’ensemble, aucun souci n’est venu déranger le bon déroulement de la soirée. On a déjà vu des affiches bien moins fournies se dérouler d’une manière bien pire, alors il faut vraiment saluer la quasi perfection de cette soirée. Le tout dans une ambiance de passionnés de musique avant, ce qui est désormais rare dans un concert parisien.

C’est peu dire que le set de COWARDS était attendu. La sortie du dernier album, salué par la critique, a élevé les Parisiens à un autre rang. Leur set commence sur les chapeaux de roue et la claque que l’on se prend est à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre. C’est vif et violent, couillu et sauvage. En bref, le quintette ne lésine pas sur la puissance et de fait, le set passe très vite. Malgré tout, une certaine redondance et une certaine linéarité des chansons fait qu’il n’y a pas vraiment de moment fort à relever. Cowards tourne très bien sur scène mais si le groupe pouvait ajouter un peu plus de nuances, il gagnerait en rendant son set vraiment excellent.

La curiosité du soir venait des jeunes de PLEBEIAN GRANDSTAND. Décrit comme une formation black hardcorisé (comme il en nait beaucoup aujourd’hui), le buzz suscité par ce groupe a attiré un assez grand nombre. Et les amateurs de murs sonores et de cris viscéraux furent servis. La puissance dégagée par les musiciens est impressionnante. Les auditeurs aimant les sensations fortes vont avoir leur dose de montagnes russes émotionnelles tant le niveau de violence déployé par Plebeian est grand. Cependant, on n’atteint pas un tel massacre sonore (dans le bon sens du terme) sans perdre deux ou trois soldats en route : en effet, l’aspect bouillie est parfois trop présent. Ce qui fait qu’il devient difficile de distinguer ce qu’il se passe et donc, on se perd un peu dans le son démoniaque. Quoiqu’il en soit, la claque est au rendez-vous et un tel déluge de décibels introduit parfaitement le set de Birds In Row.

Les Lavalois de BIRDS IN ROW sont de retour à Paris, peu de temps après leur prestation remarquée en ouverture de Modern Life Is War. Il faut dire que la troupe est passée dans une autre dimension depuis la sortie, il y a près de trois ans déjà, de son premier album “You, Me & The Violence”. On entend “There Is Only One Chair In This Room” lors du soundcheck et cela rameute une foule très dense. Sans vraiment prévenir, la bande balance une nouvelle chanson en ouverture et que c’est bon de retrouver la hargne et l’émotion inhérentes qui lui est propre. Pour le reste du set, BIR va osciller entre chansons de l’album (“Pilori” et son “bastard, fucking bastard” scandé par toute la salle), quelques vieilleries et surtout, de nouvelles chansons qui rassurent sur le fait que le groupe n’est pas allé s’enfermer dans un hardcore/black metallisé comme c’est à la mode. Par ailleurs, on sent une formation changée. Le départ de Dytho à la basse, brillamment remplacé par Quentin Sauvé l’hyperactif, apporte une cohésion musicale qui n’était pas présente auparavant. On fait face à un véritable groupe et non pas à trois musiciens jouant sur la même scène. Par ailleurs, les prises de paroles de Bart sont enjouées et plus légères qu’à l’accoutumée. Il introduit même une nouvelle chanson avec ce nouveau credo qui est de profiter de la vie telle qu’elle est, et que “faire du black metal ça va cinq minutes”. Rires dans l’assemblée, surtout celle-là. Le contraste entre la bonne humeur du groupe et la hargne et la rage mises dans ses chansons provoque un tourbillon émotionnel délicieux. Ce “Walter Freeman” est aussi libérateur qu’on l’imagine et on savoure le vibrant hommage rendu à Mathias et à son travail avant de jumper une dernière fois sur la sublime “You, Me & The Violence”. Mathias en profitera d’ailleurs pour venir hurler les dernières paroles de la chanson et ainsi, accentuer l’esprit fraternel qui se dégage de cette soirée.

Afin de conclure la soirée en beauté, les AS WE DRAW, chefs de file de la scène hardcore de Laval viennent nous offrir un set. Nous parisiens qui ne les avons pas reçu depuis l’automne 2013 et une date avec Narrows. Leur dernier album “Mirages” est un chef d’oeuvre de noirceur. Et la prestation du groupe, tout en finesse et en nuance, prouvera une fois de plus à quel point la fratrie Sauvé est touché par la grâce des musiques extrêmes. Amaury martèle ses futs méthodiquement, avec une précision et une musicalité ahurissante pendant que Quentin enchaine son troisième set de la journée sans perdre en énergie et en implication. Les voix s’entremêlent et le tonnerre gronde pour nous emmener dans les entrailles d’une musique délicieusement noire. En un peu moins d’une heure, As We Draw explose tout sur son passage, mais en douceur. Comparé à la furie des autres formations de la soirée, le set du trio passe presque pour une explosion de douceur tant sa maitrise de la complexité de ses chansons est criante. Décidément un groupe à part.

Pour cette première édition du Throatruiner Fest, c’est peu dire que la qualité de la soirée allait de paire avec les attentes liées à l’affiche proposée. La scène hardcore française est d’une richesse sans nom, puisant ses influences dans mille endroits différents et ressortant toujours un travail viscéral et intègre. Si certains pestent du manque de reconnaissance d’une telle scène, ne serait-ce qu’à l’échelle nationale, il faut savoir que Paris ne représente pas la France et que, certaines régions s’investissent vraiment dans les scènes alternatives. Et puis, si une scène devait rencontrer un public en masse pour prouver sa qualité, ça se saurait. L’écurie Throatruiner n’a définitivement pas besoin de ça.

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN