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LE ROCK DANS TOUS SES ETATS 2014 – Jour 1 (27/06/14)

Commune française peu reconnue, Evreux n’est pas le centre médiatique d’une scène musicale particulière pendant les 363 jours de l’année qu’elle parcourt. Et c’est pourtant sur l’Hippodrome de cette troisième ville de Haute Normandie, après Rouen et Le Havre, que le petit mais efficace festival du Rock Dans Tous Ses Etats vient ravitailler la région normande en sonorités amplifiées, le dernier week-end de juin. Si la programmation de cette année n’a pas complètement satisfait certains, elle en a ravi d’autres, au prix de quelques déceptions. Le festival a enregistré cette année 23 000 entrées, de quoi passer deux jours entre concerts et festivités.

C’est sous un temps mitigé, entre orages et éclaircies cuisantes, que les premiers campeurs plantent leur(s) tente(s) dans le camping, zone qui représente une bonne partie du charme du Rock Dans Tous Ses Etats. Détenant trois scènes, dont deux principales, la A et la B (sans trop faire dans l’originalité nominative), et une petite annexée, la Gonzomobil, le festival détient l’avantage de sa non-grandeur et, ainsi, évite à nos jambes bien des souffrances. Le camping est accolé au site et, si l’on trouve le bon spot, il est possible de voir les trois scènes de la même place; fait utile en apparence, mais pas complètement pratique d’un point de vue sonore.

TWO BUNNIES IN LOVE (Scène G) – Après la pluie qui s’est abattue sur les campeurs et festivaliers, ce sont les Two Bunnies In Love qui ouvrent gentiment le festival sur la petite scène Ricard Music Live de la Gonzomobil. La britpop des cinq français parvient à faire danser les quelques personnes qui se sont introduites sur le site et ont poussé leur motivation jusqu’au fond de l’espace/l’air du festival, là où se trouve la scène. Les sonorités font parfois penser aux autres français de Phoenix, tout comme l’arrangement du groupe (guitare, chant, basse, batterie, synthétiseur).

KUROMA (Scène A) – Pendant ce temps, la surf pop de Kuroma résonne quant à elle sur la scène principale, où l’on retrouve le même public parsemé; de nombreux festivaliers sont encore aux portes du site. Le guitariste se lance par moment dans du headbang black metal, la musique, mais c’est surtout le timbre de voix de Hank Sullivant, également side-man aux cotés d’MGMT, qui penche parfois vers la fausseté. Au final, ce set nous fait penser à du Empire of The Sun ou encore Ty Segall, accompagné par une énergie et des teintes skate punk.

BIRTH OF JOY (Scène B) – C’est Birth Of Joy qui donnera le premier bon coup de pied musical de la journée, faisant ainsi naître enthousiasme et satisfaction. Les trois hommes, guitariste/chanteur, claviériste et batteur, ménagent un art entremêlé de solos de guitare et de synthé teinté d’improvisation… sans oublier une pédale wah wah utilisée à foison !

FAMILY OF THE YEAR (Scène A) – Le quartette californien s’élance devant peu de monde à 19h15, à coup de tambourin et de douces mélodies ensoleillées et bucoliques. Venu défendre leur dernier album, Loma Vista, (2013) le rêve américain est alors délocalisé en Normandie, face à une foule attirée par des titres comme “Diversity” ou “Living In Love”… Parfait pour commencer l’été et apporter de la pêche aux festivaliers, parfois découragés par le mauvais temps.

GASPARD ROYANT (Scène B) Le doo wop rock garage de Gaspart Royant se présente sur la scène B à 20h00. L’homme, taillé dans un costard blanc, assure un show remuant et reprend certain attributs comme la gimmick de l’homme en noir, Johnny Cash. Très remarqué lors de son passage au Trianon en première partie de Panic! At The Disco et par de nombreux festivals 2014, le français semble continuer de s’amuser avec ses titres aux sonorités parfois anciennes mais bien entêtantes. Avec sa joie de vie communicative, tout est bien qui finit pour cet hybride personnage qui s’exprime vocalement d’une façon admirable.

SARAH W PAPSUN  (Scène A) – Par la suite, les parisiens de Sarah W Papsun calque sur la grande scène leur musique électro grésillante sur une reprise du “Breed” de Nirvana. De quoi passer le temps sans s’ennuyer et revisiter des classiques transgénérationnels.

THE DILLINGER ESCAPE PLAN (Scène B) – Mais ce sont les Dillinger Escape Plan qui marquent le coup fort de la soirée. En route depuis 1997, le groupe américain post-hardcore a sorti son neuvième album, “One Of Us Is The Killer”, en mai 2013 avec des sonorités entre passages de chant mélodique et rafale de growl. Connus pour des shows spectaculaires, comme en septembre dernier au Divan du Monde, le groupe ne nous déçoit pas, avec une prestance en or. A hauteur de leur défoulement live, le public se déchaîne à coup de moshpits dès que retentissent les premières notes. Malgré quelques problèmes techniques de son, aléa de festival, entre solo en slam dans la foule pour le guitariste Ben Weinman et escalade d’échafaudage pour le chanteur Greg Puciato, la performance de la formation occupe le corps et le regard.

PRIMAL AGE (Scène G) – L’énergie provoquée par le concert des américains ira s’étaler sur les autres concerts de la soirée. Aussi, le changement radical de sonorité entre The Dillinger Escape Plan et MGMT, qui suit sur la scène principale, peut être temporisé avec le metal hardcore de Primal Age, qui enchaîne sur la Gonzomobil et rallie les survivants de The Dillinger Escape Plan en les conviant à un nouveau pit. Le groupe de Rouen balance un set brutal parcouru par une guitare effrénée et un batteur, remplaçant pour ce soir, assurant un jeu solide et propre.

MGMT (Scène A) – Le groupe précédemment chroniqué joue pendant la prestation d’MGMT, qui réquisitionne la scène A et attire de nombreux curieux. La prestation des anglais sera, comme prévu, pauvre, pour notre plus grand malheur. Les deux protagonistes, en dehors de nous donner en instantanéité leur musique électro pop futuriste illuminée, ne bouge pas énormément sur scène, voir aucunement, et nous donnent à voir d’intéressant seulement des images diffusées sur un écran en fond de scène. Un grand manque de présence qui rend leur performance un long moment de solitude après des formations sur la scène A plus qu’actifs. Le succès n’est pas toujours gage de talent, ni de show exceptionnel comme le prouve les auteurs de “Kids”

Comme de coutume dans les festivals, l’électro va venir s’emparer du site durant la nuit. Avec DELUXE, groupe au groove et à l’énergie détonante, signé sur Chinese Man Records sur la scène B et aussi programmé au Festival Soirs d’Été place de la République, ainsi que ACID ARAB sur la scène Gonzomobil sur laquelle deux DJ, derrière leurs tables de mix, assurent un mélange d’électro lourde et violente en basse, les plus vifs et vaillants d’entre nous ont plus profiter pleinement de cette excursion hybride, avec des pointes d’humour et d’explosion.

KASABIAN (Scène A) – A 00H45, Kasabian s’invite la scène principale. Comme exprimé par le groupe, qui remercie les personnes d’être encore présentes malgré l’heure avancée de la soirée, la prestation des anglais se fera devant un public d’une part déjà éparpillé aux scènes électro, d’autre part ayant déjà rejoint la sortie du festival ou emprunté le chemin du camping pour perpétuer le prologue festif. Le nouvel album “48:13”, évoqué par les images diffusées sur un écran mural, signe des sonorités psychédéliques qui distancient le combo du rock indé de leurs deux premiers albums. Le public au premier plan se remue incessamment, secondé par d’autres personnes, plus éloignées et timides. Les membres de la formation semblent manquer de jeu de scène, pourtant doués dans l’exercice auparavant. Kasabian semble, au final, perdre en énergie comparé à des prestations données quelques années précédemment bien plus vivantes !

Le premier jour de festival fut sous l’égide de l’ensoleillement musical et climatique. Comme un sacre de l’été, les groupes de la journée nous auront envoûté dans des danses enchantées, brutales ou aériennes, tout en nous laissant regagner le camping pour poursuivre une célébration de la nuit des plus festives.

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