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COBAIN : MONTAGE OF HECK @ Gaumont Opéra Premier (12/05/15)

Un mois après l’avant-première, RockUrLife se replonge au coeur du IXme arrondissement de Paris et y pose sa plume pour y livrer ses ressentis sur le documentaire réalisé par Brett Morgen.

Un film axé sur Kurt Cobain et les chemins qui l’ont mené à devenir le leader de Nirvana, le plus grand groupe grunge de tous les temps. Ce portrait retrace sa vie privée et artistique, mettant en relief toute la dualité entre sa célébrité et ses démons. À travers ce montage nous découvrons l’univers des concerts et coulisses de Kurt Cobain, un artiste qui exerçait sa passion avec ses tripes et sans concession.

Mais avant la naissance de Nirvana est né à Aberdeen, le 20 février 1967, Kurt Donald Cobain. Déjà à l’époque, il possédait une empathie et un pouvoir attractif sur les gens. Un enfant à l’esprit constamment branché et affûté, accompagné d’une perpétuelle curiosité de s’intéresser à tout ce qui l’entourait, notamment le dessin et la musique. Malheureusement, cet enfant bonheur va vite traverser des chemins sinueux et rencontrer les sentiments de honte et d’humiliation. Ses sentiments se sont traduits par le divorce de ses parents, qu’il vit comme un abandon et développe une colère. C’est à ce moment là qu’il décide, de pied ferme, de contredire l’autorité parentale. Renfermé, il se crée son propre univers, se cloisonne dans sa chambre où la musique grandit de plus en plus, et il s’ouvre au monde à sa façon. Se sentant rejeté de tous les côtés et pas à sa place, son adolescence s’esquisse de tâches sombres et d’excentricité. Un mal de vivre qui le pousse à franchir les limites. Kurt Cobain aura déjà bien testé les excès, jusqu’à une tentative de suicide sur une voie de chemin de fer. Le destin en a décidé autrement et l’épargnera… pour cette fois. Il mène une jeunesse nourrie de rébellion exprimée par des moyens violents et destructeurs. Son insociabilité le pousse même à penser qu’il est fou et incompris.

À partir de là, le jeune homme tombe sur une compilation de punk rock qui ne le laissera pas indifférent. Il signe inconsciemment le contrat de toute une vie. Il arpente les sentiers de la liberté en concrétisant des concerts dans sa chambre, ce sera la chose la plus incroyable et libératrice de ce début d’existence. Des décharges électriques se traduisant par l’écriture, le dessin et la musique. Dans sa chambre se trouve déjà le bassiste Krist Novoselic, qui restera, jusqu’au bout, l’acolyte sacré de Kurt Cobain. Ils quittent enfin la chambre pour se confronter à des salles de Seattle, si miteuses et vides soient-elles. Il abandonne le foyer maternel pour prendre son indépendance aux bras de son amie de l’époque, Tracy Marander. Elle l’épaulera et le soutiendra tout au long de leur relation, afin qu’il se réalise et que le groupe voit le jour. La formation ne voulait pas être un vulgaire groupe de bar, ils étaient ambitieux et avaient la rage pour leur avenir. Le sentiment de honte et de s’affirmer traversera les paroles de “Floyd The Barber”, titre de “Bleach” sorti en 1989. Pour survivre, il accumule une multitude de jobs et une vie de bohème avec l’obstination de ne jamais rien lâcher, surtout sa Fender Jaguar. Son but est de concrétiser son rêve pour de bon, afin de prendre sa revanche sur son éducation, la société américaine, et de mettre à nu sa véritable identité. Pour cela, il remplit d’encre des cahiers entiers de : tablatures, poèmes et textes. Armé de sa guitare et de son enregistreur, Cobain ne s’arrête jamais et ne reculera devant rien. Il déliera ses doigts sans cesse et ses textes seront toujours orientés sur des sujets sociétaux, sa vision sur les causes à effets et les conséquences des violences morales de son époque. Il revendique ses idées et les exploite sans filet. C’est en 1989 que les concerts s’enchaînent, ainsi le trio s’embarque, sans barrière, dans une vie “rock n’destroy”. Un punk rock puissant et énergique, tel sera leur mode d’expression afin de crier et s’abandonner. L’ensemble ne souhaite pas être connu, mais uniquement faire de la “bonne” musique et offrir une évasion à tous ceux qui se pencheront sur leur “son”. Après de multiples changements de batteurs, c’est Dave Grohl qui occupera ce rôle jusqu’à la fin. “Love Buzz”, chanson de Shocking Blue, reprise par Nirvana sur “Bleach”, devient un réel succès. Si bien que le morceau croise la route d’un critique qui leur donnera comme référence une empreinte de Lynyrd Skynyrd (groupe de rock sudiste), ce qui mit Kurt Cobain, encore une fois, dans un état d’humiliation profond.

La presse affirme rapidement que Nirvana s’apprête à décoller, c’est alors que la formation prend peur car ce n’était pas l’objectif de départ. Les concerts et les tournées se succèdent, jusqu’à l’année 1991, marquant un tournant explosif avec la sortie du single “Smells Like Teen Spirit” de l’opus “Nevermind”. Ce dernier s’affranchit d’un lâcher prise total, un rien à foutre général. Ce titre réveille les mentalités et créera un changement radical de la musique populaire des années 90. Le destroy enfile son véritable costume, démissionne de son titre de bouffon, pour rentrer dans la cour des grands. Les tournées de Nirvana sont désormais démesurées, les débordements et le profond bordel s’accentuent. Le groupe tabasse sans relâche et cartonne à tous niveaux, la jeunesse s’arrache leurs albums. Des hordes de fans délurés signent présents à chaque concert. Le destin vient de frapper : Nirvana rentre dans la légende. Bien que l’ensemble soit encensé par la critique, le trio tâche de ne pas y prêter attention. Les fans s’identifient aux paroles et mouvements libertaires. Kurt Cobain est devenu, sans le vouloir, le porte-parole de sa génération. Il décide alors de ne plus répondre aux interviews, il envoie balader les journalistes, en expliquant simplement que leurs réponses se trouvent dans leurs chansons. Les mois passent, les jeunes se réfèrent tellement au leader que le gouvernement s’inquiète sur l’avenir de cette génération. Même si le protagoniste Cobain n’a que faire de ces dires, il mène malgré tout une vie semée de drogues dures (héroïne) et d’abus en tout genre.

Fin d’automne 1991, Kurt croise le chemin de celle qui partagera sa vie jusqu’à la fin : Courtney Love (du groupe Hole). Kurt est littéralement épris d’elle, l’idée de fonder une famille germe rapidement. Cette artiste intellectuelle et accessoirement droguée, rentre parfaitement dans les critères de la “femme idéale” selon Monsieur Cobain. Le mariage sera célébré à Hawaï le 24 février 1992, s’ensuivra la naissance de leur fille : Frances Bean, le 18 août 1992.

Retour sur Nirvana, et les foules de plus en plus peuplées se bousculent, se déchaînent, les salles s’étendent et laissent place à des jeunes révoltés. Cobain & Co refusera catégoriquement de porter cette responsabilité, par le fait qu’ils n’avaient jamais souhaité une telle place. La machine maléfique de la presse médiatique harcèle le couple et donne à Kurt l’impression d’être violé. Elle dénoncera sans relâche la dépendance de Kurt Cobain à l’héroïne, sa liberté n’est plus qu’un lointain souvenir et le cauchemar devient son quotidien.

Ce documentaire relate également une facette de Kurt face à la paternité malgré la pression assassine de la presse, ainsi que la traque des services sociaux en rapport à sa dépendance. Il subit dès lors, une énième humiliation. La sortie de leur troisième et dernier album “In Utero”, produit par Steve Albini, verra le jour le 13 septembre 1993. Cette fois-ci, Nirvana, mais surtout Kurt Cobain, refuse d’être affilié à l’image de “rockstar”. Malgré tout, l’héroïne ronge le leader et son état devient alertant. “In Utero”, essai tant attendu, ne rencontre pas le succès de “Nevermind”. Les tournées se dégradent et deviennent désormais chaotiques.

Le 18 novembre 1993 est enregistré “Unplugged In New-York”, un live intimiste qui représente une étape pour Nirvana. Un moment acoustique où les instruments et les gueules abimées ne sont pas de mise, c’est un réel face à face avec le public. L’on pousse enfin les lourdes portes d’un Nirvana sans artifices, plus vrai que nature.

Le destin de Kurt frappera par son suicide le 5 avril 1994 à Seattle, il avait 27 ans.

Kurt Cobain cita, peu de temps avant la date fatale : “Le plus beau jour sera quand demain ne sera jamais vain”. Une citation qui restera à jamais gravée, et ferme ainsi le chapitre de l’iconique Kurt Cobain, embarquant avec lui l’adoration et respect de sa génération et au delà.

“Cobain : Montage Of Heck” signé Brett Morgen, s’est réalisé à partir d’un garde-meubles, aussi hanté qu’un musée, fermé à double tour. Tout a commencé avec cette cassette audio nommée : “Montage Of Heck”, sur laquelle se trouvait une compilation regroupant Simon And Garfunkel, The Beatles etc. Nirvana, sans le savoir, s’est bâtit à partir de cet enregistrement de 1988. Brett Morgen s’est prit au jeu d’archéologue. Ce montage retranscrit, avec la plus grande sincérité, la destinée hors du commun de l’ange déchu : Kurt Cobain.