Interviews

TWENTY ONE PILOTS (17/06/15)

English version

En plein milieu de semaine, sous un soleil d’aplomb et dans la cour du label Warner, l’équipe de RockUrLife a eu la chance de s’entretenir avec Twenty One Pilots, le duo montant de la scène pop mondiale. Un entretien qui, au départ bienveillant, se concentrera au fur et à mesure sur les détails mystérieux et personnels du nouvel album “Blurryface”. 

Salut Twenty One Pilots. Salut Tyler et Josh, comment allez-vous aujourd’hui sous ce beau soleil parisien ?

Josh Dun (batterie) : Super bien ! Le soleil est vraiment vivifiant et c’est agréable de le voir sorti. C’est même assez cool !

Est-ce la première fois que vous traverser l’Atlantique dans le seul but de faire de la promo ? 

Tyler Joseph (chant/piano) : Il me semble, oui. En vrai, c’est notre premier voyage promo en France.

Et mis à part la promo, avez-vous eu le temps de vous balader et de découvrir des endroits sympathiques ?

T : J’aurais aimé ! Nous avons atterri aujourd’hui et nous sommes directement venus ici, malheureusement. Mais j’ai déjà voyagé à Paris plusieurs fois par le passé.

J : Nous sommes déjà venus à Paris deux fois avec Twenty One Pilots et une fois à Arras. Personnellement, je suis déjà allé faire un tour vers la Tour Eiffel et c’est vraiment sympa. (rires)

Tout comme Tyler, j’imagine ? 

T : Exactement. Enfin, j’ai marché en dessous d’elle donc ce n’était pas très sportif. (rires)

 

 

Aujourd’hui, nous sommes réunis pour parler de votre nouveau disque “Blurryface”. Mais avant, on aimerait faire le point concernant l’expérience que vous avez acquis avec votre premier essai, “Vessel”, sorti en 2013. Grâce à lui, vous avez eu la chance de visiter de nombreux pays et de rencontrer de nouvelles têtes tout en diffusant une partie de votre culture. Comment vous sentiez-vous à la fin de cette période presque paradisiaque ?

T : (Réfléchit longuement) “Vessel” était exactement le disque que nous voulions faire. Mais dans un premier temps, nous ne savions pas qui allait être touché par celui-ci ou qui allait prendre de son temps pour l’écouter. Nous écrivions des chansons sans savoir si des personnes allaient s’en préoccuper. Il y avait donc à cette époque un peu d’insouciance puisque peu importait si notre musique fonctionnerait ou pas. Egalement, il y avait un peu d’intrépidité dans la recette. Mais en même temps, nous devions apprendre, en parallèle de notre reconnaissance auprès du public, à mettre en place un live. Toutes ces petites choses que nous connaissons désormais. Notre plus gros accomplissement avec “Vessel”, c’est tout ce que nous avons été aptes d’apprendre sur la musique, sur nous deux et sur nous mêmes. En plus, lorsque la période “Vessel” s’est terminée, je ne pense pas que nous étions fatigués de jouer nos classiques et ce, même après trois ans de tournées. Ceci dit, nous étions aussi impatients de jouer de nouveaux titres et de continuer l’aventure. Beaucoup d’artistes font des pauses entre chaque disque, mais nous avons préféré nous diriger en studio dès que possible afin de proposer à notre public une courte transition. 

Musicalement, vous étiez et êtes toujours ce genre de groupe hybride qui émerveille, avec son propre style et sa propre personnalité. Mais était-ce difficile de vous fondre dans la masse avec un line up réduit à deux noms lorsque les plus grands groupes du monde s’imposent avec au minimum une formation de trois membres ?

J : C’était dur, surtout lorsque nous avons commencé et que personne ne nous connaissait. Nous avions un ami qui nous bookait des dates de concerts qui nous a permis de nous montrer au public à travers des spectacles locaux. Parfois même des festivals heavy metal durant lesquels nous jouions en plein milieu de la journée. Et comme tu l’as dit, nous ne sommes que deux sur scène et nous avons toujours été un peu effrayé par cela.

“Effrayé” ? Pourquoi ?

J : Tout simplement parce que tous les groupes avec lesquels nous avons grandi et écouté étaient toujours composés d’au moins quatre ou cinq musiciens. Comment pouvons-nous n’être que deux sur scène ? C’est parfois bizarre pour nous. Mais dans un sens, ça a fini par fonctionner, parce que c’est quelque chose d’unique et que les gens ont fini par accepter l’idée qu’il ne peut y avoir que deux musiciens dans un groupe.

T : En fin de compte, nous voulions entamer quelque chose de nouveau et nous avons appris que si tu ne te sens pas inconfortable dans ce que tu fais, alors tu n’es pas en train d’entreprendre quelque chose de nouveau. Donc lorsque nous disions “est-ce quelque chose de réalisable de n’avoir que deux musiciens dans un groupe”, c’est au final une question que nous nous posons à nous même, tout en sachant que c’est la meilleure des choses pour Twenty One Pilots.

 

 

Et y-a-t-il beaucoup plus de pression à n’être que deux membres dans une formation ? 

T : (Direct) Absolument. Il y a toujours une question de pression lorsqu’il s’agit de divertir les gens et de mettre en scène un concert. Pour nous, il n’y a pas grand chose à voir lors de nos spectacles, ce qui nous a forcé à nous imposer encore plus, pour attirer le plus d’attention possible de la part de nos fans. L’idée de faire un concert nous oblige même à nous dépenser chaque jour encore plus afin de proposer le meilleur de nous mêmes.

En quelque sorte, être deux sur scène vous oblige à entrer dans des personnages

T : Dans un sens, la personne que je suis sur scène est la personne que je suis dans la vraie vie. Mais cette version de moi n’est pas autorisée à être révélée dans la vie de tous les jours. Cette personnalité ne peut exister que face au public et ne fonctionnerait pas autre part. La scène vous donne la possibilité d’être la personne que vous êtes vraiment, mais qui n’entre pas dans les normes de la vie sociale. On pourrait presque dire qu’elle est inappropriée. Elle est plus comme un outil et nous l’utilisons avec la musique. 

Le succès de “Vessel” vous a permis de tourner avec des groupes pop rock tels que Fall Out Boy ou encore Panic! At The Disco. N’aviez-vous pas peur de ne pas coller avec l’étiquette des têtes d’affiche ? 

T : A l’époque, comme l’a déjà dit Josh, nous ne savions pas si nous allions nous intégrer pleinement. Rien qu’avec nos concerts locaux, nous ne nous intégrions pas bien. Entre les concerts hardcore, les concerts pop punk, les concerts indie, nous ne nous intégrions pas du tout. Mais ceci dit, nous considérions et considérons toujours que, même si nous ne nous sentons pas confortables entre deux groupes différents, il n’en reste pas moins que nous avons l’opportunité de faire ce que nous aimons et d’utiliser notre différence pour en faire une force. Donc je pense que c’est toujours le cas aujourd’hui, lorsque nous faisons des premières parties. 

 

 

On peut donc se permettre de dire que Twenty One Pilots est un groupe taillé pour faire des concerts en tant qu’headliner.

T : C’est ça. Nous avons eu beaucoup de propositions pour assurer des premières parties, surtout récemment, et notre réponse reste la même, c’est à dire “nous préférons nous débrouiller tout seul”. Ceci dit, parfois faire des premières parties amène vers de nouveaux horizons, comme lors de notre tournée australienne avec Paramore. A cette époque, nous n’étions jamais allés en Australie et tout le monde sait que c’est un pays difficile à atteindre. Au final, cette tournée nous a permis de débuter une histoire là-bas. Mais il existe d’autres situations durant lesquelles nous préférons nous lancer par nous-mêmes, même si cela implique des performances dans des petites salles. Cela nous permet d’être en tête d’affiche et c’est le principal. Beaucoup de groupes pensent que faire des premières parties suffit pour réussir mais il faut surtout devenir la raison pour laquelle les gens viennent assister au concert et faire ses preuves. 

“Blurryface” est votre quatrième album studio, sorti un peu plus tôt cette année. Quelle est la signification derrière ce titre et ce sombre artwork ? Chez RockUrLife, on tend à penser que le mélange des deux cherche à déranger ou, du moins, offrir aux gens une réflexion psychologique sur la vie et la personnalité. 

T : Depuis pas mal de temps, je bataille contre des démons que l’on pourrait appeler “insécurité” ou “des insécurités”. Et pour mieux comprendre ces insécurités et savoir comment les vaincre, je voulais les personnifier, leur donner un nom, une image et surtout une histoire. En quelque sorte, être capable d’être confronté physiquement à ce malaise. Ces insécurités sont donc représentées par le personnage “Blurryface”. En fin de compte, je ne souhaite pas que cet album soit considéré comme un concept-album, mais il existe un fil directeur entre chaque chanson. Et ce fil directeur, on le retrouve aussi en live, puisque chacun de nos concerts se finit avec un sentiment de victoire face au mal-être. Bien sûr, pas une victoire contre un autre groupe mais bien une victoire personnelle. Et puis, il n’y a aucune raison de créer de la musique si ce n’est pas dans le but de communiquer avec un public et lui offrir du contenu avec lequel se rattacher. Voici donc la petite histoire concernant “Blurryface”, petite histoire qui est bien évidemment plus détaillée dans le disque lui même. 

Vous semblez un peu étouffés par la vie ou par les interactions sociales, non ?

T : Tout comme des personnes de notre âge, nous nous posons des questions existentielles telles que “à quoi ça rime de faire tout cela ?” ou encore “pourquoi suis-je là, vivant ?. Ce genre de questions, plus tu vieillis, plus elles te hantent et s’imposent dans ton quotidien. Nous avons la chance de pouvoir faire de la musique et de pouvoir offrir des réponses alternatives à ces interrogations, même si parfois la réponse la plus simple est “je ne sais pas”. Il faut savoir que lorsque tu utilises comme réponse “je ne sais pas”, cela te fait encore plus plonger dans un questionnement personnel. La musique est pour moi une sorte de journal intime dans lequel vous pouvez lire à l’intérieur mes pensées, mes réponses, sous un aspect relativement positif. Et il y aura toujours une once de chance, une lueur d’espoir à la fin. Nous nous devons de rester positif et attentif à cela. 

 

 

D’un point de vue général, peut-on considérer “Blurryface” comme un recueil de conseils ? 

T : Et bien… Pour moi, bien évidemment ! Mais si d’autres personnes pensent la même chose, c’est un honneur de pouvoir aider des gens parce que nous-même avons été aidés par la musique sous plusieurs formes. “Blurryface” parle principalement des croyances, des haines, de ce que l’on déteste chez nous et nous savons que c’est vraiment difficile de parler de cela. La meilleure chose pour s’impliquer dans le sujet, c’était de le mettre en scène dans un album. Plus tu te poses des questions, plus tu commences à te sentir mal. Je pourrais sans hésitation écrire un livre sur chaque titre du disque… mais je n’aimerais pas être là lorsque vous les lirez. (rires)

 N’avez-vous pas réussi à gagner de l’assurance et du confort à travers vos performances live ? 

T : Les réponses à ces questions ne se trouvent pas grâce au succès. Si tu cherches à combler un manque avec le succès, la célébrité ou l’argent, cela ne fonctionnera pas. Nous le savons tous. Peu importe combien d’argent tu gagnes, il y aura toujours un vide quelque part qu’il faudra remplir. Je ne sais pas pour vous, mais Josh et moi, nous nous connaissons suffisamment pour savoir que l’argent ne fera rien et qu’il existe d’autres méthodes qui peuvent suffire à combler ce manque. Ceci dit, nous n’irons jamais voir nos fans et leur dire “voilà ce qu’il vous faut pour aller mieux” parce que ces réponses sont avant tout personnelles. C’est un sujet vraiment sérieux et au delà de cela, nous sommes heureux de pouvoir jouer de la musique. 

Tous vos singles, “Fairly Local”, “Tear In My Heart” et “Stressed Out” sont sortis accompagnés par une vidéo. Quelle était votre stratégie à l’époque ? Pensez-vous que la fusion musique/vidéo est un excellent outil pour découvrir et comprendre votre univers ? 

J : Complètement. Les vidéos sont importantes pour appréhender la musique et ce modèle existe depuis de nombreuses années, étant donné que nous regardions des vidéos enfants. Je me rappelle lorsque j’allais au cinéma avec mes parents et que j’étais obnubilé par les images qui bougeaient, en rapport avec le son. Ce n’est pas seulement une superbe forme de divertissement, c’est également un média très inspirant et libre. Juste avant notre voyage à Paris, nous regardions des films, pour te montrer que l’Homme est automatiquement attiré par les vidéos. Lorsque tu couples des images, quelque chose qui peut stimuler visuellement, avec du son, des merveilles peuvent arriver donc nous voulions proposer cela au monde. Si je peux me permettre, nous travaillons encore sur un clip en ce moment… 

T : Nous avons une toute nouvelle vidéo que nous n’avons pas encore révélé. La personne qui fait ce produit était mon colocataire pendant un bon bout de temps. Il vit aux Etats-Unis. Notre équipe en général est composée d’amis qui se connaissent depuis longtemps. On retrouve Josh et moi, notre tour manager et tous nos potes. Un groupe bien cool.

 

 

Dans ces vidéos, en plus de vos cagoules classiques, Tyler apparaît avec de la peinture noire sur le corps. 

T : Reprenons sur le personnage “Blurryface”. Celui-ci représente l’insécurité et lorsque je pense à cela, mes pensées se concentrent sur des points précis. En premier, je pense à l’insécurité qui me gagne lorsque je monte sur scène, juste avant d’être confronté à un public et de me sentir exposer. A ce niveau là, on a l’impression de suffoquer, de ne plus pouvoir respirer. C’est pourquoi mon cou est peint en noir : c’est un point primordial dans mon insécurité. L’autre chose, ce sont mes mains qui me servent à composer et à jouer de la musique. Sans elle, je ne pourrais pas m’en sortir. Ces deux parties de mon corps manifestent mes problèmes, “Blurryface”, et une lutte interne. 

Au delà des classiques “Not Today” et “We Don’t Believe What’s On TV”, la plupart des chansons de “Blurryface” semblent plus agressives et hybrides que les précédentes, avec plus de synthétiseurs et de sonorités électro. Comme si Twenty One Pilots tentait, dès le quatrième album, de ne pas se répéter. 

T : Nous n’essayons pas du tout de nous réinventer, nous avions juste besoin d’essayer de nouvelles choses, de nouveaux sons. Nous voulions que cet album soit, étant donné son sujet, aussi fou que possible, même si cela implique une perte de sens. Les titres de ce disque sont ce que nous aimons actuellement et ce que nous aurions aimé si nous étions encore des enfants.

Le plus important avec cet essai, c’est qu’il n’est pas du tout bordélique et qu’au contraire, toutes les pièces du puzzle semblent communiquer parfaitement.

T : Merci beaucoup ! C’est l’un des plus beaux compliments que l’on peut nous faire, parce que lorsque nous composons des chansons individuellement, nous les mettons à la fin dans une sorte d’aspirateur et nous nous disons “est-ce que tout cela a du sens?”. Donc si quelqu’un peut décerner le fil conducteur de cette galette, voici la meilleure chose possible. 

 

 

Pour finir, notre site web s’appelle “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rocks votre life ?

J : Excellente question. J’en ai aucune idée…

T : Cela change tous les jours entre les concerts et la composition. Ces deux choses ne sont jamais là en même temps parce que je ne pourrais pas les assumer ensemble. Quel agréable sentiment lorsque tu as l’impression de faire ce qui t’est destiné.

J : Je sais ! Cela va paraître un peu cliché mais je dirais l’aventure. La période de composition et d’enregistrement sont deux moments vraiment fous mais amener le résultat de cela sur les routes, dans de nouvelles villes chaque jour, c’est encore plus fou ! Visiter de nouvelle salles, voir différentes personnes, découvrir différentes cultures… Cela rythme notre emploi du temps quotidien. Nous ne restons jamais au même endroit et si c’était le cas, je ne tiendrais sûrement pas. Donc nos vies à Tyler et moi riment avec l’aventure !

 

 

Site web : twentyonepilots.com