Interviews

TRIVIUM (24/08/15)

English version

Revenus d’une belle tournée des festivals d’été, Matt Heafy (chant/guitare) et Corey Beaulieu (guitare/chant) de Trivium en ont profité pour terminer leur séjour en Europe avec une petite tournée promotionnelle dont la dernière journée s’est déroulée à Paris. Rencontre pour parler du septième album, “Silence In The Snow”, à paraître le 2 octobre prochain chez Roadrunner Records.

Hello Matt, hello Corey. Il y a dix jours, vous avez participé au Motocultor Festival en tête d’affiche avec Opeth en France. Comment était-ce ?

Matt Heafy (chant/guitare) : Incroyable. On a passé un super moment, parce que d’habitude on fait plus des festivals de metal voire de metal extrême et là on était content de jouer dans un festival qui ne ressemble pas à ceux plus mainstream auxquels on participe habituellement. C’est un plaisir de jouer avec beaucoup de nos groupes préférés tels que Opeth – Opeth est un de nos groupes préférés – Septicflesh, Krisiun, Alcest… Donc on était très impatient à l’idée d’y jouer.

N’avez-vous pas peur de vous écarter de la scène metal avec ce nouveau virage musical ?

Corey Beaulieu (guitare/chant) : On est juste un groupe de fans de metal qui compose la musique que l’on souhaite entendre. Donc, en dépit du fait que ce soit super heavy ou plus mélodique, on apprécie tous les aspects du metal. On est un peu comme des étudiants de la scène entière. On aime et connaît le metal extrême, le black, le death, le thrash et le metal traditionnel ainsi que les racines d’où proviennent chacun. On aime tellement de choses dans le metal qu’on peut intégrer ce que l’on veut à notre musique. La fondation entière du heavy metal a été bâtie sur une grosse voix mélodique accompagnée d’une musique puissante. Et tu sais, on a utilisé le scream et après cette époque dans notre carrière, cette nouvelle direction est comme un nouveau chemin ou un nouveau challenge créatif pour écrire ce genre de musique. Et nous prouver à nous-mêmes que l’on peut faire quelque chose de différent. On n’aime pas proposer toujours le même disque. Cet album ne sonne pas comme les autres, mais son son et sa liberté sont du Trivium, en font un essentiel de Trivium. Matt a toujours eu cette voix particulière sur chaque album et même s’il y a beaucoup de scream, il y a toujours cet aspect mélodique à notre son qui a toujours été très constitutif de ce que nous sommes. Sur nos albums, tu as plus de chant ou moins, plus de scream ou moins, ça dépend simplement de la musique qui l’accompagne. Et avec ce nouvel album, il nous a semblé qu’on avait pas besoin de scream, parce que l’ensemble était déjà si puissant, avec cette ambiance unique du fait qu’il n’y ait justement pas de scream. C’est une nouvelle frontière où nous pouvons composer de manière créative et ça fait du bien.

Quelle a été la réaction des gens de chez Roadrunner lorsqu’ils ont entendu les premiers titres de ce nouvel album ?

M : Ils n’ont en gros rien pu entendre jusqu’à ce que l’album soit bouclé.

C : C’était une sensation géniale quand notre label et notre management ont eu des réactions différentes. Leurs mots étaient “gros son”, “étape suivante”. Pour nous, il ne s’agit pas d’un autre album et nous espérons qu’il sera comme une sorte de drapeau dans le sol. Ce sont dix ans de carrière qui viennent de démarrer, les dix prochaines avec un album vraiment important.

Dans le cadre de la promo de ce nouvel album, vous avez été à Stockholm pour des questions/réponses. Comment s’est déroulé l’événement ?

M : C’était cool. On le faisait déjà sur les tournées précédentes. On a toujours aimé avoir un espace ouvert où l’on peut librement discuter avec les gens qui soutiennent notre groupe. J’ai récemment donné des conférences dans une université en Floride où j’ai traité le thème de l’échec et l’échec en tant que nécessité pour réussir dans la vie.

 

 

Peut-on s’attendre à un événement similaire à Paris ?

M : Difficile à dire, c’est au label de planifier ça à un moment où l’on a pas de concerts de prévu.

 

 

Les paroles de “Silence In The Snow” sont plutôt contradictoires, puisque d’un côté on a la neige, la couleur blanche et de l’autre, on a la guerre et le sang. Que symbolise ce silence dans la neige ?

M : Beaucoup de chansons sur l’album sont éminemment plus “directes” que “Silence In The Snow” et “Blind Leading The Blind”. Concernant “Silence In The Snow”, il s’agit d’un lot de paroles que j’ai écrites en 2007. On écrit toujours les chansons d’abord. On assistait à un concert de Heaven And Hell au Japon, avec Dio et ces paroles m’ont été inspirées par cette soirée. On n’a pas utilisé ces paroles avant 2013 ou 2014. Et ensuite c’est peut-être seulement un jour avant l’enregistrement des voix en studio que j’ai écrit le deuxième couplet et le break de la chanson. Avec cette chanson, tout ce que l’auditeur comprend n’est très certainement pas faux. En ce qui me concerne, j’aime cette idée de rassemblement ou de cri de guerre autour de cette chanson, mais c’est également un hymne dans lequel les gens peuvent puiser leur propre signification.

L’introduction “Snofall” a été composée par Ihsahn. Matt, tu es connu pour être un grand fan d’Emperor. Comment est née cette collaboration ?

M : Je suis ami avec Ihsahn depuis deux ou trois ans maintenant. J’ai pu le rencontrer grâce à des amis communs. Au fil des années, on a tous deux réalisés que nous partagions les mêmes centres d’intérêts dans la sphère metal. On a commencé nos groupes respectifs aux mêmes âges. Je crois qu’il avait quatorze ans quand il a rejoint Emperor et moi treize quand j’ai commencé Trivium. On a le même cheminement de carrière. Chaque album d’Emperor comporte une évolution drastique qui le différencie du précédent, ils n’avaient pas peur de changer et je pense qu’avec Trivium, nous avons fait pareil. On avait finalisé l’album et on a réalisé que la seule chose qui nous manquait était une véritable introduction. Un des membres de notre label nous disait que chaque groupe de metal entame son album avec une introduction symphonique. Et on lui a dit que bien sûr, on allait faire quelque chose qui ressemblerait à ça. On est donc allé directement aux origines des meilleures compositions metal. On a envoyé à Ihsahn la musique, la pochette et on lui a dit “tout ce à quoi tu penses pour le nom du titre et la chanson sera parfait”. Et c’est comme ça que ça s’est fait.

Dans votre dernier clip “Blind Leading The Blind”, tu joues justement cet homme aveugle. Quelle est l’histoire de cet homme ?

M : Cette vidéo se classe dans la catégorie où… tout ce que tu comprends à son sujet est correct. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. On a lu des tonnes d’interprétations différentes de ce que les gens pensent que la vidéo représente visuellement.

C : On a voulu montrer une autre facette du groupe, quelque chose d’un peu plus porté sur l’humour tout en préservant l’atmosphère du groupe.

Es-tu vraiment fort au bras de fer ?

M : Non, le mec avec qui je fais semblant de faire le bras de fer est un catcheur professionnel de cent vingt kilos. Même faire semblant de faire un bras de fer avec lui était difficile. (rires) C’est l’un des êtres humains les plus forts que j’ai jamais rencontré.

 

 

La chanson titre a même des airs de heavy metal au niveau vocal (voix haut perchée). Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?

C : Quand on était de jeunes musiciens apprenant leurs instruments et découvrant le metal, on était évidemment influencé par Metallica, Iron Maiden, Megadeth, Slayer jusqu’aux années 90 avec des groupes tels que Pantera. Alors qu’on devenait plus vieux et progressait, on était en train de se dire “on a toujours eu ces influences et on connait ces groupes par coeur”. Donc on s’est demandé où est-ce qu’on pourrait trouver une nouvelle forme d’inspiration pour faire quelque chose de différent ou pour être inspiré par quelque chose de différent du style de musique qui nous a toujours influencé depuis qu’on était des gamins ? On a décidé de continuer à revenir en arrière avec le catalogue de Black Sabbath, Rainbow, Deep Purple, Diamond Head. S’en est devenu une nouvelle inspiration et ce même si ces chansons ont toujours été là, on a pu en avoir appréciation nouvelle et comprendre à quel point elles étaient géniales. Donc on a ces nouvelles choses à apprendre, d’où nos propres héros ont tirés leurs influences et cela nous a quelque peu aidé et inspiré pour écrire des chansons sur lesquelles on ne serait probablement pas tombé si on n’avait pas entendu ce nouveau style. C’était terriblement excitant d’être une sorte d’étudiant du metal. Et peut-être que nous pourrons d’une façon ou d’une autre porter la torche et ces mecs pourront alors regarder notre disque et entendre des éléments qui les rendront fiers, parce qu’ils verront qu’ils nous ont inspiré.

 

 

 

Trivium est un des rares groupes à ne pas oublier ses premiers albums et à continuer à jouer de chaque album en live. Est-ce important pour vous ?

M : Assurément. Nous avons toujours dit que si ton album préféré était “Shogun”, “Ascendancy”, “In Waves”, et c’est précisément celui-là que tu aimes et préfères, alors on le jouera en concert et on le restituera, il sonnera de la même façon que tu l’entends sur l’album, si ce n’est même légèrement meilleur. Le scream sera bien sur la partie screamée, de même pour les parties chantées et c’est quelque chose de très important pour nous.

Matt, tu es fan de metal extrême et notamment de black metal. Quels sont tes groupes de black métal préférés ?

M : Je peux citer rapidement mes préférés et ensuite mes préférés français puisqu’on est en France. Mes préférés sont sans hésiter Emperor et les albums solos d’Ihsahn. Ils vont toujours au-delà de ce à quoi tu t’attends. En ce qui concerne la France, c’est un pays qui possède certains des groupes de black metal les plus variés et inspirés. Je citerai Alcest dans cette catégorie, tu sais leur dernier album ne sonne pas black, mais ils viennent du milieu et c’est ce qui, je pense, les rend encore plus black metal que le black traditionnel, car ils sont allés au-delà de ce que le black metal se doit d’être. Alcest, Deathspell Omega, Blut Aus Nord, Anorexia Nervosa et Regarde Les Hommes Tomber, sorte de black metal aux influences sludge. Pendant le Motocultor, un des membres est venu me voir, m’a donné le tout nouvel album et m’a remercié.

Peux-tu, à ce titre, nous parler de ta rencontre avec Rose d’Anorexia Nervosa (ndlr : groupe de black metal français culte dont Matt est très fan) ?

M : Oui, il est venu à notre concert au Bataclan quand on était en tête d’affiche. C’est un mec super, il m’a envoyé des vieux T-shirts d’Anorexia Nervosa. On a passé une soirée amusante à ses côtés. Et ce qu’il fait avec The CNK (ndlr, l’autre groupe de Rose), est incroyable !

Vous avez beaucoup de souvenirs à Paris. Quel est votre meilleur ?

C : C’était la dernière fois, quand on était en tête d’affiche à Paris, au Bataclan. Le niveau d’énergie dans la fosse était vraiment différent des fois précédentes. Ça m’a presque choqué. Le pit était actif et chaque personne était impliquée, d’une manière ou d’une autre. Je voulais juste m’arrêter de jouer et regarder la fosse parce que le niveau d’énergie était vraiment élevée. À un moment, j’ai regardé en l’air et vu ces deux gamins et ils avaient l’air d’avoir environ 12 ans. Ils étaient du genre “c’est mon premier concert de metal”, avec les bras autour de l’autre et ensemble ils headbanguaient si fort que j’avais peur qu’ils se cognent contre le rebord. Quand je parle de ce concert-là pendant les interviews, j’ai ce sentiment en moi, “j’ai hâte de jouer à Paris”, parce que ça fait maintenant deux ou trois ans et j’espère qu’avec toutes ces années où nous n’avons pas joué, combinées au nouvel album, on peut faire encore mieux et détrôner ce concert. Donc j’espère que lorsque les gens liront cette interview et se souviendront de ce concert, ils seront gonflés à bloc pour la prochaine fois !

M : Ça me rappelle notre tout premier passage à Paris, en 2005, à La Boule Noire. Il y avait environ vingt-cinq personnes et c’est tellement bon de voir la progression entre 2005 et maintenant où, cette année on a partagé la tête d’affiche au Motocultor et l’an dernier, été choisi en tant qu’invité spécial au Hellfest.

Vous allez tourner aux US et au Canada en septembre et octobre prochain, est-ce qu’une tournée européenne suivra ? En France, à Paris, peut-être ?

C : Là maintenant, on a pas vraiment de tournée programmée, mais la prochaine fois que nous reviendrons en Europe… les offres arrivent et on doit vérifier les emplois du temps, mais nous ferons les festivals d’été, comme le Hellfest. J’espère que ce sera le cas, car j’adore ce festival. Et ensuite, sûrement une tournée européenne en hiver.

 

 

Si on vous dit “metalcore” en 2015, que répondez-vous ?

M : Quand notre première chronique est sortie, les gens disaient “oh les gars, vous êtes un groupe de metalcore, pas vrai ?” et le truc c’est qu’on a toujours déclaré qu’on était simplement un groupe de metal. Le metalcore est assurément un ingrédient de ce qu’est Trivium, mais il n’a jamais été le plus important composant de notre musique.

Mais écoutez-vous des albums de metalcore sortis en 2015 ?

C : Je ne sais plus vraiment ce que l’on peut considérer comme metalcore.

M : Le deathcore lui a piqué sa place. Et malheureusement, As I Lay Dying a splitté. Et ils étaient les maîtres de ce genre.

Dernière question, notre média s’appelle “RockUrLife”. Qu’est-ce qui rock votre life en ce moment ?

M : En réalité, le fait qu’on vienne juste de terminer notre tournée promotionnelle, parce que ta question était la dernière question de notre dernière interview ! On a passé un bon moment avec des festivals prestigieux où l’on a joué en tête d’affiche et ensuite on a eu cette tournée promotionnelle avec toutes ces interviews qui ont semblé très intéressées par le nouvel album. La vie est cool en ce moment. “Silence In The Snow” rock notre life !

C : Ou prend même le contrôle de nos vies ! (rires)

M : Merci ! (ndlr : en français)

 

 

Site web : trivium.org