Interviews

MEW (22/05/15)

English version

Six ans après leur dernier passage à Paris, les Danois de Mew sont de retour en France avec un tout nouvel album, “+-“. Nous avons discuté en terrasse et au soleil avec Jonas Bjerre et Johan Wohlert, respectivement chanteur et bassiste du groupe, de retour dans la formation depuis l’enregistrement de ce dernier album. 

Salut les gars, c’est plutôt rare de vous voir en France ! 

Jonas Bjerre (chant) : Bonjour ! Oui en effet, je crois que c’est seulement notre troisième concert en France. Nous avons fait la première partie de Nine Inch Nails au Zenith de Paris en 2009, puis notre premier concert en tête d’affiche quelques mois plus tard et donc, ce soir c’est notre troisième concert en France, mais seulement le deuxième en tête d’affiche.

Vous vous en rappelez justement de concert ?

Jonas : Bien sûr. C’était dans une salle qui s’appelle La Maroquinerie je crois. C’était un show fabuleux, c’était tout petit, très intime et il faisait très chaud ! 

Avez-vous eu le temps de visiter la ville ?

Jonas : Oui un petit peu. Nous avons marché dans le quartier, nous nous sommes baladés dans le cimetière, Le Père Lachaise. Puis nous nous sommes posés en terrasse, au soleil pour manger et boire, c’était très agréable, nous adorons cette ville. 

Etes-vous justement inspirés par les villes que vous visitez en tournée ? 

Jonas : Oh, c’est compliqué de répondre à cette question. Par exemple, nous avons écrit et enregistré “And The Glass Handed Kites” à Los Angeles. C’est une ville ensoleillée et très douce à vivre. Et pourtant, l’album est très froid et sombre. Je pense que nous sommes surtout inspirés par les choses qui nous arrivent. C’est difficile d’identifier quel élément, quel fait a eu quelle influence sur nos chansons.

 

 

Qu’est-ce que c’était de tourner avec Nine Inch Nails ? Vos groupes sont plutôt éloignés à première vue et pourtant, on peut trouver des points similaires.

Jonas : Je pense que la musique de Nine Inch Nails est très émotionnelle et je pense que la musique de Mew est également très émotionnelle. Mais pour être honnête, au départ lorsque l’on nous a proposé cette tournée, j’étais effrayé. J’avais surtout peur des réactions de leur public. Je les voyais nous accueillir en disant “Vous êtes beaucoup trop doux pour nous !”. Au final, cette tournée était fantastique, nous avons été très bien accueilli. Trent Reznor est quelqu’un d’extrêmement généreux. Il a énormément twitté sur nous, il parlait de notre groupe tous les soirs au public. Nous ne devions faire que l’Europe et au final nous avons également fait la tournée américaine qui était censée être leur tournée d’adieu. C’était une super expérience. 

Vous êtes donc de retour avec un nouvel album, “+-“. Quelle était la direction voulue pour ce nouvel album ? 

Jonas : Nous avons commencé à travailler sur cet album avant que Johan ne revienne dans le groupe. Ce que nous composions était un peu sans but précis. Puis, lorsque Johan est revenu, nous avons alors trouvé une véritable direction pour cet album. On sonnait enfin de nouveau comme un groupe. Mais je pense que nous avons juste voulu que les chansons deviennent ce qu’elles aspiraient à devenir. On ne voulait pas les enfermer dans un concept. Nous avions suffisamment confiance en nous pour être sur que, quoiqu’on compose, cela collerait à l’identité de Mew. 

Donc Johan, tu es le mec qui lorsqu’il revient résout tous les soucis ? 

Johan Wohlert (basse) : (rires) J’aimerai ! Sérieusement, je pense c’était juste le bon moment pour moi de revenir dans le groupe. J’ai juste amené mes ondes positives. Peut-être que tu peux l’entendre sur le CD justement. Notre musique sonne de manière un peu plus joyeuse et positive. Donc je ne pense pas que ce soit mon retour qui soit vraiment important, mais plutôt d’être ensemble tous les quatre à nouveau. 

On imagine que vieillir a changé votre point de vue et votre manière d’écrire. Quelles sont les différences entre votre session d’écriture maintenant et celles de vos premiers albums ? 

Johan : Je pense que la différence la plus notable est que nous écrivons et enregistrons à Copenhague aujourd’hui. On n’a pas ressenti le besoin d’aller s’exiler ailleurs pour cet album donc, nous étions vraiment concentrés sur l’écriture, et juste sur l’écriture. 

Jonas : C’est sûr que sur ce point nous avons évolué. Mais d’un point de vue purement artistique, nous n’avons pas vraiment changé notre manière de voir notre musique. Nous cherchons seulement à nous exprimer à travers nos chansons et créer de la musique que l’on aime. Ceci n’a pas changé. Mais nos vies en dehors du groupe elles, ont évolué, et c’est une excellente chose.

 

 

Pourquoi avoir attendu six ans justement, avant de faire ce nouvel album ?

Jonas : Pour le dernier album, nous avons énormément tourné. Je pense que nous avions juste besoin de prendre un break après cette période. On a terminé la tournée en Asie je crois et un jour on s’est tous retrouvé dans la même pièce, on s’est tous regardé et on s’est dit “okay, faisons ce break maintenant.” On s’est accordé du temps chacun de notre coté puis nous avons recommencé à écrire de la musique ensemble tout doucement. Nous avons également essayé de construire notre propre studio, mais ça n’a pas fonctionné. Au début, les premières sessions d’écriture n’étaient pas satisfaisantes. Nous avions l’impression de réécrire notre précédent album. Nous étions les trois mêmes mecs et nous devions nous battre contre ces automatismes. Puis notre producteur nous a proposé d’appeler Johan et de voir s’il voulait revenir jouer de la musique avec nous. Il est arrivé et la machine était repartie. Bien sûr Johan a du réfléchir à son engagement envers le groupe, savoir s’il voulait vraiment revenir. Nous avons également fait une mini tournée en plein milieu de l’enregistrement. C’était la première fois pour nous et c’était génial car ça nous a permis d’expérimenter. Jouer tes nouvelles chansons en live t’en apprend énormément sur les chansons et sur ton ressenti par rapport à ces chansons aussi. 

Donc au final peut-on dire que le live a eu une grosse influence sur l’album ?

Jonas : Oui. Nous avons enregistré la moitié de cet album après la tournée. 

Envisagez-vous de tourner différemment maintenant que vous avez vos familles ?

Jonas : Oui, nous ne partirons plus en tournée durant deux ou trois mois d’affilé je pense. On veut passer du temps avec nos familles, nos amis et surtout, avoir une certaine stabilité, revenir à un endroit que nous pouvons appeler “maison”. Nous vivions à Londres il y a quelques années, mais nous étions toujours en tournée, donc Londres n’a jamais été notre maison. Je pense qu’il arrive forcément un moment dans ta vie où tu as besoin d’un endroit que tu peux appeler “maison”. Mais nous allons quand même beaucoup être sur les routes. 

On a remarqué que sur chacun de vos albums, il y a une chanson très longue entre huit ou dix minutes. Avez-vous déjà envisagé d’écrire un album uniquement composé de très longues chansons ?

Jonas : On l’a presque fait sur notre précédent album qui contenait des chansons très longues et très denses. Mais on ne se voit pas comme ce genre de groupe. Evidemment, l’aspect progressif est un élément de notre identité, mais on ne s’impose pas de limite quant aux chansons. On écrit seulement ce qu’on a envie d’écrire et parfois, une chansons a besoin de durer plus de deux minutes.

 

 

Sur ce dernier album, vous avez décidé de quitter Columbia et de sortir ce disque en indépendant. Pourquoi ce choix et pourquoi de plus en plus de groupes empruntent ce chemin selon vous ?

Jonas : Je pense que l’industrie musicale est en constante mutation, notamment au sein des majors. Nous étions chez Columbia et nous sommes très heureux du travail qu’ils ont accompli pour nous. Mais nous sentions que nous avions besoin d’un changement. Je ne pense pas qu’un groupe comme nous doive être chez une major. Ce sont des structures pour les immenses pop stars ou les stars du hip hop. Mais si tu fais de la musique un peu étrange, un peu en marge, je pense que c’est mieux pour toi d’être dans ton propre label. Sony et les autres majors avaient des départements qui géraient ce genre de groupes. Mais ces départements ont désormais disparus à cause de la crise du disque. C’est un environnement complètement différent maintenant. C’est à la fois triste et heureux car ça nous permet d’avoir notre propre “maison” désormais. Et nous sommes très heureux des gens avec qui nous travaillons. 

Aviez-vous peur d’être restreint dans votre liberté créatrice par les besoins ou les envies de Columbia ?

Jonas : Pas vraiment non. On a juste vu les gens changer. Nous avions l’habitude de travailler avec une certaine équipe et lorsque nous sommes revenus, on ne connaissait plus personne de cette équipe. C’était un moment assez étrange. Un groupe comme Mew ne peut pas être traité de la manière que l’on traite Shakira. Etre notre propre label aujourd’hui a bien plus de sens à nos yeux. Columbia a été très performant à nos débuts et notre collaboration avait un sens. Mais à ce jour, ce n’est plus le cas.

Pour finir, notre site s’appelle “RockUrLife”. Qu’est ce qui rock votre life ?

Jonas : Aujourd’hui je suis très heureux de la réaction du public face à ce nouvel album. Nous avons pris pas mal de temps avant de faire un autre disque, nous étions enfermés dans une sorte de bulle de création. Et maintenant que nous en sommes sortis, c’est génial de voir que ça en valait le coup et que le public apprécie notre travail. 

Johan : J’ai été éloigné de ce groupe pendant si longtemps que, revenir avec ces mecs et faire de la musique qui a un sens à mes yeux est sûrement la plus belle chose que j’ai pu faire ces dernières années. Nous sommes de retour après un long break et nous adorons jouer ces chansons que nous aimons plus que tout. Donc oui, le nouvel album rock mon monde !

 

 

Site web : mewsite.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN