Détroit – Horizons

“Horizons”, rarement un album aura été tant attendu dans l’Hexagone. Si longtemps même que certains pensaient que jamais plus l’icône du rock français des années 90 ne sortirait de nouvelle galette. Certes, à la fin des années 2000, Bertrand Cantat s’était remis au travail avec ses compères de Noir Désir et avait sorti quelques titres (“Gagnants / Perdants (Bonne Nuit Les Petits)”, “Le Temps Des Cerises”, “Aucun Express”). Mais l’annonce en novembre 2010 de la fin du groupe avait anéanti tout espoir d’un nouveau disque. Certes, depuis, il avait travaillé aux côtés de Shaka Ponk, d’Eiffel ou encore d’Amadou Et Mariam. Mais dans chacun de ces cas, il ne s’agissait que d’apparitions ponctuelles et jamais d’un vrai projet de composition et d’interprétation menant le chanteur à rejoindre, de façon pérenne, une formation et à défendre un opus. Pourtant, à la fin de l’été 2013, la rumeur qui circulait depuis quelques temps déjà devenait réalité avec la sortie du clip de “Droit Dans Le Soleil”. Après dix longues années d’absence, le leader de la plus grande formation de rock française du XXème siècle revenait avec une nouvelle formation, Détroit, et un album à sortir dans les mois à venir. Ainsi, le 18 novembre 2013, c’est une galette au ton pastel décorée d’aquarelles réalisées par Jérôme Witz à partir de photos prises par l’ex-Noir Désir et portant le nom de “Horizons” qui s’est retrouvée dans les bacs. Dans cette nouvelle aventure, Cantat se retrouve aux côtés d’un ami de longue date, le bassiste Pascal Humbert. C’est ensemble que les deux hommes ont écrit, composé et interprété les douze titres enregistrés et mixés par Bruno Green et Bertrand Montandon (sauf “Droit Dans Le Soleil” enregistré par Wajdi Mouawad, également co-auteur des paroles).

L’album s’ouvre par “Ma Muse”, chanson qui donne assez bien le ton de l’ensemble de la galette. De plus, dès que la voix grave et profonde de Bertrand Cantat s’élève, l’auditeur se rend compte que l’artiste n’a rien perdu de son talent. Les années sont passées mais la voix est restée intacte, tout comme l’esthétisme de la diction. La plume quant à elle est toujours aussi fine et poétique. “Horizons” présente une structure originale organisée autour de deux intermèdes instrumentaux intitulés “Détroit 1” et “Détroit 2”. C’est entre ceux-ci que l’on retrouve les titres les plus personnels, les plus noirs mais aussi les plus poignants et beaux de l’ensemble. D’abord “Ange De Désolation” où le chanteur évoque avec beaucoup de sensibilité l’amour au-delà de la disparition. “Horizon” ensuite dans laquelle c’est la condition carcérale mais aussi les pulsions suicidaires qui sont traitées sans détour. Une écriture au plus juste conjuguée à une montée en puissance de la musique qui finit par exploser à la fin du morceau font de cette chanson l’une des plus belles produites par le rock français depuis bien longtemps. Et enfin le titre introspectif par lequel le vocaliste a fait son retour; “Droit Dans Le Soleil”. Co-écrit avec Wajdi Mouawad, ce dernier avait initialement pour destinée d’être interprété par un autre. C’est grâce à l’insistance d’Humbert et Mouawad que ce titre, enregistré au Liban en une seule prise, se retrouve sur l’effort. Au-delà de ces trois chansons qui constituent vraiment le cœur de l’essai, on notera aussi “Le Creux De Ta Main”, neuvième plage de l’album, qui est de loin le morceau qui bouge le plus du CD. Entre sa batterie lourde et sa guitare acérée, il s’agit là sans aucun doute de la composition la plus proche des grands succès de Noir Des’. Aux côtés des huit morceaux chantés en français, on soulignera aussi la présence de deux titres dans la langue de Shakespeare, “In Your Eyes” et “Null And Void”. Le premier qui évoque le manque d’un être aimé, s’avère plus chanté que le reste de l’album. L’ambiance qui se dégage de cette chanson est aussi bien moins lourde que tout le reste, on pourrait presque dire aérienne. “Null And Void”, avant dernière chanson de l’opus, est, pour sa part, une ballade pop rock classique. Enfin, la dernière chanson de l’album vaut aussi qu’on s’y arrête. A travers celle-ci, c’est l’un des plus grands classiques de la chanson française que Détroit revisite avec des arrangements tant inattendus qu’ intéressants, “Avec Le Temps” de Léo Ferré.

On retiendra de “Horizons” qu’il s’agit d’un magnifique album : intimiste, tantôt mélancolique et tantôt sombre (parfois tragique même), toujours très juste, mais aussi sincère, plein de poésie et de rock n’roll. Jamais à l’écoute des douze titres on n’a l’impression d’entendre une version réchauffée des chansons qui ont fait la gloire de Noir Désir. Si à de nombreuses reprises, effectivement musicalement, “Horizons” pourrait être la suite de “Des Visages Des Figures”, la galette s’avère aussi bien plus personnelle et sincère que tout ce que l’on a pu entendre jouer par le quatuor mythique.