Chroniques

Daft Punk – Random Access Memories

Si tu as trente ans et que tu n’as jamais écouté Daft Punk, tu as raté ta vie. Sincèrement, qui est passé à côté du duo improbable : Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, ces deux types affublés de masques sortis de l’univers de Battlestar Galactica ? Ces extraterrestres de la musique, traités à leur début de Punk Idiot. Et tel un Phoenix (clin d’œil) renaissant de ses cendres, “Homework” (1997) fit de Daft Punk l’emblème par excellence de la french touch. Tel un rêve qui ne devait jamais finir, “Discovery”, accompagné de “Interstella 555” de Leiji Matsumoto (Albator), continue la route vers le succès. Vient alors “Human After All” (2005) qui, dans la philosophie de Kraftwerk, mais avec un son toujours en avance sur son temps, évoque la fuite de notre société vers la plus complète déshumanisation. Pour faire patienter les fans, ils réalisent la B.O. de “Tron : L’Héritage” (2010) et livrent au compte-gouttes les infos sur l’album le plus attendu de l’année. Changement de maison de disques, association avec Pharrell Williams, Chilly Gonzales et autres Julian Casablancas, “Random Access Memories” débarque enfin pour le plaisir des kids et le désarroi des fans de la première heure.

Dès les premières notes, la basse funk et la guitare disco s’entremêlent dans une ambiance rétro aux allures de film de science-fiction des années 70. Nile Rodgers contribue et rajoute à “Give Life Back To Music” des influences de Terry Callier. Dans le même univers mais, cette fois atteint par la soul, Daft Punk, dans un tempo lancinant à la basse aérienne, lance une mélopée mélancolique clamée par un robot au cœur de chair. Vient ensuite “Giorgio By Moroder”, un road-movie sur l’histoire du disco conté par l’un de ses plus grands acteurs, Giorgio Moroder, hommage savamment déguisé par Daft Punk. Et poids du maître Giorgo oblige, les sonorités renvoient à “Midnight Express”, “Scarface”, Bowie, Queen, et on en passe, pour offrir une fresque musicale extrordinaire provenant du passé et restaurée dans le futur. “RAM” continuera ses associations, “Within”, avec Chilly Gonzales au piano, viendra ralentir énormément le tempo avec toute l’émotion vibrante qu’il a toujours maitrisé avec brio, le duo se symbiose à la perfection avec son vocoder pour une ballade introspective. “Instant Crush” va voir apparaître un Julian Casablancas, en phase avec la voix en pointe de “Comedown Machine“, y insuffle encore une fois ce qui pourrait s’apparenter à la pop rock de 2213, et une outro aux allures de Game Boy. Dans une ambiance californienne, et qui s’imposent déjà comme les titres de l’été, les featurings avec Pharrell Williams ne sont pas forcément les plus intéressants, mais ils en restent les plus accrocheurs. Le déjà célèbre “Get Lucky” et “Lose Yourself To Dance”, où la basse tonnante se coagule à la guitare véhémente de Nile Rodgers, dans une ode allante aux plaisirs sensoriels alimentés par des chœurs machinales. Entre ces morceaux s’immisce “Touch”, telle une trilogie, la piste s’oppose et se complète de manière symphonique, démarrant telle une conversation avec une rencontre du troisième type (sous acide), l’ascension de Paul Williams amorce une envolée de guitares disco, avant de voir réapparaitre, dans un tempo lancinant ces extraterrestres, à la manière d’un orchestre. Passé l’héritage de la B.O. de “Tron” à la guitare enjouée nommé “Beyond”, vient le fabuleusement aérien et harmonique “Motherboard”, une symphonie à la hauteur d’Hans Zimmer et aux ambitions intemporelles, mêlant en symbiose instrument à vents, à cordes et sonorités électro. Après ce voyage, “Fragments Of Time” aidé de Todd Edwards, aux influences pop, sonne creux. Il faudra attendre l’association avec la voix céleste de Panda Bear pour redécoller sur “Doin’ It Right”. Nettement plus électro expérimental dans un tempo martelé et un synthé froid, clair et parcimonieux. Enfin, “Contact” découle tel une logique. Tous ces autres titres n’étaient que prise de contact avec l’univers Daft Punk. Le décollage est imminent, mise à feu direction l’espace, les claviers suivent, décryptent la beauté de cette envolée, tel un orgue. Les comètes s’affolent au rythme de la guitare renvoyant aux meilleurs riffs de “Discovery”, les dents se crispent jusqu’à la rupture du clavier et la descente sourde et hypnotisante. Atterrissage forcé en terra incognita. Qu’importe, le voyage était grandiose.

Trop de collaborations tuent-elles la collaboration ? Pas pour Daft Punk. Tel David Bowie avec Iggy Pop et Lou Reed, ces associations ont permis des œuvres magistrales, à la fois futuristes et rétros, ainsi que des perles pop aux rythmes funk qui se déferleront prochainement sur les ondes, sans oublier des titres expérimentaux aux influences disco, digne de l’opéra. Les seuls qui risquent d’être déçus seront les fans purs et durs de “Homework”. Mais ce Daft Punk n’existe plus, tel le rêve absolu de Kraftwerk, il a muté en un binôme de virtuoses cybernétiques, dont la créativité surprenante ne cessera jamais d’épater.

Informations

Label : Sony Music / Columbia
Date de sortie : 20/05/2013
Site web : www.daftpunk.com

Notre sélection

  • Motherboard
  • Giorgio By Moroder
  • Touch

Note RUL

5/5

Ecouter l’album